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ment patientes que le fut la nation moscovite sous le règne fabuleux de son tyran.

Les suites s’en font encore sentir de nos jours. Si vous m’aviez accompagné dans ce voyage, vous découvririez avec moi au fond de l’âme du peuple russe les inévitables ravages du pouvoir arbitraire poussé à ses dernières conséquences ; d’abord c’est une indifférence sauvage pour la sainteté de la parole, pour la vérité des sentiments, pour la justice des actes ; puis c’est le mensonge triomphant dans toutes les actions et les transactions de la vie, c’est le manque de probité, la mauvaise foi, la fraude sous toutes les formes ; en un mot, le sens moral est émoussé.

Il me semble voir une procession de vices sortir par toutes les portes du Kremlin pour inonder la Russie.

Pierre Ier disait qu’il faudrait trois juifs pour tromper un Russe ; nous qui ne sommes pas obligés de ménager nos termes comme un Empereur, nous traduisons ce mot ainsi : Un Russe à lui seul attraperait trois juifs. »

D’autres nations ont supporté l’oppression, la nation russe l’a aimée ; elle l’aime encore. Ce fanatisme d’obéissance n’est-il pas caractéristique ? Ici, toutefois, on ne peut nier que cette manie populaire ne devienne, par exception, le principe d’actions sublimes. Dans ce pays inhumain, si la société a dénaturé