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À tout prendre, soit que l’on considère cette forteresse sous le rapport purement historique, soit qu’on la contemple du point de vue poétique et pittoresque, c’est le monument le plus national de la Russie, et, par conséquent, le plus intéressant pour les Russes comme pour les étrangers.

Je vous l’ai dit, Ivan IV n’a point bâti le Kremlin : ce sanctuaire du despotisme fut reconstruit en pierre sous Ivan III, en 1485, par deux architectes italiens, Marco et Pietro Antonio, appelés à Moscou par le Grand Prince, qui voulait relever les remparts naguère de bois de la forteresse fondée plus anciennement sous Dmitri Donskoï.

Mais si ce palais n’est pas l’œuvre d’Ivan IV, il est sa pensée. C’est par esprit de prophétie que le grand Roi Ivan III a bâti le palais du tyran son petit-fils. Il y a eu des architectes italiens partout : nulle part ces hommes n’ont rien produit qui ressemble à l’œuvre accomplie par eux à Moscou. J’ajoute qu’il y a eu ailleurs des souverains absolus, injustes, arbitraires, bizarres, et que pourtant le règne d’aucun de ces monstres ne ressemble au règne d’Ivan IV : la même graine germant sous des zones et dans des terrains différents produit des plantes du même genre, mais de dimensions et d’aspects divers. La terre ne verra pas deux chefs-d’œuvre du despotisme pareils au Kremlin, ni deux nations aussi superstitieuse-