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mais il y est né, il y est mort, il y revient, son esprit y demeure.

Le plan en fut conçu et exécuté par son aïeul Ivan III et par des hommes de cette trempe ; et je veux me servir de ces figures colossales comme de miroirs pour vous représenter le Kremlin, qu’il me faut, je le sens, renoncer à vous peindre tout simplement, car ici les paroles ne vont pas aux choses. D’ailleurs cette manière détournée de compléter une description me paraît neuve, et je la crois sûre ; aussi bien j’ai fait jusqu’à présent ce qui dépendait de moi pour vous donner l’idée du lieu en lui-même, il faut maintenant vous le montrer sous un aspect nouveau, c’est-à-dire en vous faisant l’histoire des hommes qui l’habitèrent.

Si de l’arrangement d’une maison nous déduisons le caractère de la personne qui l’habite, ne pouvons nous pas, par une opération d’esprit analogue, nous figurer l’aspect des édifices d’après les hommes pour lesquels ils furent construits ? Nos passions, nos habitudes, notre génie sont bien assez puissants pour se graver ineffaçablement jusque sur les pierres de nos demeures.

Certes, s’il existe un monument auquel puisse s’appliquer ce procédé de l’imagination, c’est le Kremlin.

On voit là l’Europe et l’Asie en présence, et le génie des Grecs du Bas-Empire les unit.