Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours un peu la figure humaine, dominent la ville et le pays.

À les voir de loin briller dans le ciel, on dirait d’une réunion de potentats richement vêtus et décorés des insignes de leur dignité : c’est une assemblée d’ancêtres, un conseil de Rois siégeant sur des tombeaux ; ce sont des spectres qui veillent sur le faîte d’un palais.

Habiter le Kremlin, ce n’est pas vivre, c’est se défendre ; l’oppression crée la révolte, la révolte nécessite les précautions ; les précautions accroissent le danger, et de cette longue suite d’actions et de réactions naît un monstre : le despotisme qui s’est bâti une maison à Moscou : le Kremlin ! voilà tout. Les géants du monde antédiluvien s’ils revenaient sur terre pour visiter leurs faibles successeurs, après avoir vainement cherché quelques traces de leurs asiles primitifs, pourraient encore se loger là.

Tout a un sens symbolique, volontaire ou non, dans l’architecture du Kremlin ; mais ce qui reste de réel quand vous avez surmonté votre première épouvante pour pénétrer au sein de ces sauvages magnificences, c’est un amas de cachots pompeusement surnommés palais et cathédrales. Les Russes ont beau faire, ils ne sortent pas de prison.

Leur climat lui-même est complice de la tyrannie. Le froid de ce pays ne permet pas d’y construire de