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monuments est une merveille. Ce labyrinthe de palais, de musées, de donjons, d’églises, de cachots est effrayant comme l’architecture de Martin ; c’est tout aussi grand et plus irrégulier que les compositions du peintre anglais. Des bruits mystérieux sortent du fond des souterrains ; de telles demeures ne peuvent convenir à des êtres semblables à nous. On y rêve aux scènes les plus étonnantes, et l’on frémit quand on se souvient que ces scènes ne sont point de pure invention. Les bruits qu’on entend là semblent sortir du tombeau ; on y croit à tout, hors à ce qui est naturel.

Persuadez-vous bien que le Kremlin de Moscou n’est nullement ce qu’on dit qu’il est. Ce n’est pas un palais, ce n’est pas un sanctuaire national où se conservent les trésors historiques de l’Empire ; ce n’est pas le boulevard de la Russie, l’asile révéré où dorment les saints, protecteurs de la patrie : c’est moins et c’est plus que tout cela ; c’est tout simplement la citadelle des spectres.

Ce matin, marchant toujours sans guide, je suis arrivé jusqu’au milieu même du Kremlin, et j’ai pénétré seul dans l’intérieur de quelques-unes des églises qui font l’ornement de cette cité pieuse, aussi vénérée par les Russes pour ses reliques que pour les richesses mondaines et les glorieux trophées qu’elle renferme. Je suis trop agité en cet instant pour vous