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ce palais fabuleux, c’est à croire qu’on rêve !… Je rêvais. Qu’aurait dit Ivan III, le restaurateur, on peut bien dire le fondateur du Kremlin, s’il eût pu apercevoir au pied de la forteresse sacrée ses vieux Moscovites rasés, frisés, en frac, en pantalons blancs, en gants jaunes, nonchalamment assis au son des instruments et prenant des glaces bien sucrées devant un café bien illuminé ? il aurait dit comme moi : c’est impossible ?… et pourtant c’est ce qui se voit maintenant tous les soirs d’été à Moscou.

J’ai donc parcouru les jardins publics plantés sur les glacis de la citadelle des Czars, j’ai vu des tours, puis d’autres tours, des étages, puis d’autres étages de murailles ; et mes regards planaient sur une ville enchantée. C’est trop peu dire que de parler de féerie !… il faudrait l’éloquence de la jeunesse, que tout étonne et surprend, pour trouver des mots analogues à ces choses prodigieuses. Au-dessus d’une longue voûte que je venais de traverser, j’ai aperçu un chemin suspendu par lequel piétons et voitures entrent dans la sainte Cité. Ce spectacle me paraissait incompréhensible ; rien que des tours, des portes, des terrasses élevées les unes sur les autres, en lignes contrariées ; rien que des rampes rapides, que des arceaux qui servent à porter des routes par lesquelles on sort du Moscou d’aujourd’hui, du Moscou vulgaire, pour entrer au Kremlin, au Moscou de