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dont quelques-uns n’étaient que posés à terre. On a peine à s’expliquer le goût des Russes pour les illuminations, quand on pense que pendant la courte saison où l’on peut jouir de ce genre de décoration, il n’y a presque pas de nuit sous les latitudes de Moscou, et surtout de Saint-Pétersbourg.

En rentrant chez moi, j’ai demandé à quelle occasion se faisaient ces modestes démonstrations de joie. On m’a répondu qu’on illuminait pour célébrer les anniversaires de la naissance ou du baptême de toutes les personnes de la famille impériale ; ce sont des réjouissances permanentes. Il y a chaque année tant de fêtes de ce genre en Russie, qu’elles passent à peu près inaperçues. Cette indifférence m’a prouvé que la peur a ses imprudences, et qu’elle ne sait pas toujours si bien flatter qu’elle le voudrait. Il n’y a de flatteur habile que l’amour, parce que ses louanges, même les plus exagérées, sont sincères. Voilà une vérité que la conscience dit… inutilement, aux despotes.

L’inutilité de la conscience dans les affaires humaines, dans les plus grandes comme dans les moindres, est à mes yeux le plus étonnant mystère de ce monde, car il me prouve l’existence de l’autre. Dieu ne fait rien sans but ; donc puisqu’il a donné la conscience à tous les hommes et que cette lumière intérieure ne sert à rien sur la terre, il faut qu’elle