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Dépouillée de ses honneurs religieux, privée de son patriarche, abandonnée de ses souverains et des plus courtisans de ses vieux boyards, sans autre prestige que celui d’un trait d’héroïsme trop moderne pour être justement apprécié des contemporains, Moscou est devenu, faute de mieux, une ville de commerce et d’industrie ; on vante sa fabrique de soieries !!… Mais l’histoire et l’architecture sont toujours là pour lui conserver ses droits imprescriptibles à la suprématie politique. Le gouvernement russe favorise les usines : ne pouvant arrêter tout à fait le torrent du siècle, il aime encore mieux enrichir le peuple que l’affranchir.

Ce soir vers dix heures, le jour tombait et la lune se levait brillante à travers la poussière animée d’un horizon du Nord, au moment du crépuscule. Les flèches des couvents, les aiguilles des chapelles, les tours, les remparts, les palais et toutes les masses irrégulières et imposantes du Kremlin recevaient par accident des traits de lumière resplendissants comme des franges d’or, tandis que le corps de la ville, rentré dans l’ombre, perdait peu à peu les luisants reflets du soleil couchant que je voyais glisser en s’affaiblissant de tuile peinte en tuile peinte, de coupole de cuivre en coupole, papillotant et se fondant par flots lumineux sur les chaînes dorées et sur les toits métalliques, qui sont le firmament de Moscou : tous ces