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Aussitôt que je fus installé, je me suis mis à vous écrire pour me reposer. La nuit approche, il fait clair de lune ; je m’interromps afin d’aller parcourir la ville ; je reviendrai vous raconter ma promenade.


(Suite de la même lettre.)
Moscou, ce 8 août 1839, à 1 heure du matin.

Sorti vers dix heures du soir, sans guide, seul, me dirigeant au hasard, selon ma coutume, j’ai commencé à parcourir de longues rues larges, mal pavées comme toutes les rues des villes russes, et de plus montueuses ; mais ces vilaines rues sont tracées régulièrement. La ligne droite ne fait pas faute à l’architecture de ce pays ; cependant l’équerre et le cordeau ont moins défiguré Moscou qu’ils n’ont gâté Pétersbourg. Là ces imbéciles tyrans des villes modernes trouvèrent table rase ; mais ils avaient à lutter ici contre les inégalités du terrain et contre de vieux monuments nationaux : grâce à ces invincibles obstacles de l’histoire et de la nature, l’aspect de Moscou est resté celui d’une ville ancienne ; c’est la plus pittoresque de toutes celles de l’Empire qui la reconnaît toujours pour sa capitale, en dépit des efforts presque surnaturels du Czar Pierre et de ses successeurs ; tant la loi des choses est forte contre la volonté des hommes même les plus puissants !