Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour m’avoir distrait du Kremlin au moment où ce redoutable château m’apparaissait pour la première fois.

Mais bientôt mes idées prenant un autre tour, mon attention s’est distraite de ce qui frappait mes regards pour se représenter les faits accomplis dans ces lieux. Quel est le Français qui pourrait se défendre d’un mouvement de respect et de fierté… (le malheur a son orgueil, et c’est le plus légitime), en entrant dans l’unique ville où il se soit passé, de notre temps, un événement biblique, une scène imposante comme les plus grands faits de l’histoire ancienne ?

Le moyen que la ville asiatique a pris pour repousser son ennemi est un acte de désespoir sublime, et désormais le nom de Moscou est fatalement uni à celui du plus grand capitaine des temps modernes ; l’oiseau sacré des Grecs s’est consumé pour échapper aux serres de l’aigle, et semblable au phénix, la colombe mystique renaît de ses cendres.

Dans cette guerre de géants, où tout était gloire, la renommée est indépendante du succès !!! Le feu sous la glace, les armes des démons de Dante : telles furent les machines de guerre que Dieu mit aux mains des Russes pour nous repousser et nous anéantir ! Une armée de braves peut s’honorer d’être venue jusque-là, fût-ce pour y mourir.

Mais qui peut excuser le chef de qui l’imprévoyance l’a exposée à une telle lutte ? À Smolensk, Bonaparte