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plus ou moins ornées, mais l’intention primitive, l’idée théologique y est toujours scrupuleusement respectée. De brillantes chaînes de métal dorées ou argentées unissent les croix des flèches inférieures à la croix de la tour principale ; et ce filet métallique tendu sur une ville entière produit un effet impossible à rendre même dans un tableau, à plus forte raison dans une description ; car les mots restent presqu’aussi loin des couleurs que des sons. Imaginez-vous donc, si vous pouvez, l’effet de cette sainte cohorte de clochers, qui, sans représenter avec précision la forme humaine, retracent grotesquement une réunion de personnages assemblés sur le faîte de chaque église comme sur les toits des moindres chapelles : c’est une phalange de fantômes qui planent sur une ville.

Mais je ne vous ai pas dit encore ce qu’il y a de plus singulier dans l’aspect des églises russes : leurs dômes mystérieux sont, pour ainsi dire, cuirassés, tant le travail de leur enveloppe est recherché. On dirait d’une armure damasquinée, et l’on reste muet d’étonnement en voyant briller au soleil cette multitude de toits guillochés, écaillés, émaillés, pailletés, zébrés, rayés par bandes et peints de couleurs diverses, mais toujours très-vives et très-brillantes.

Représentez-vous de riches tentures étalées du haut en bas le long des édifices les plus apparents d’une ville dont les masses d’architecture se détachent