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les lois sont calculées pour profiter à l’oppression, c’est-à-dire que plus l’opprimé aura sujet de se plaindre, moins il en aura le droit ni la hardiesse. Il faut avouer que, devant Dieu, la mauvaise action d’un citoyen est plus criminelle que la mauvaise action d’un serf, et même que l’injustice du maître d’un serf : car dans un tel pays la barbarie est dans l’air. Celui qui voit tout tient compte de l’insensibilité de sa conscience à l’homme abruti par le spectacle de l’iniquité toujours triomphante.

Le mal est mal partout, dira-t-on, et l’homme qui vole à Moscou est un voleur tout comme le filou de Paris. Voilà précisément ce que je nie. C’est de l’éducation générale que reçoit un peuple que dépend en grande partie la moralité de chaque individu, d’où il suit qu’une effrayante et mystérieuse solidarité de torts et de mérites a été établie par la Providence entre les gouvernements et les sujets, et qu’il vient un moment dans l’histoire des sociétés où l’État est jugé, condamné, exterminé comme un seul homme.

Il faut le répéter souvent, les vertus, les vices, les crimes des esclaves n’ont pas la même signification que ceux des hommes libres : ainsi, lorsque j’examine le peuple russe, je puis constater comme un fait qui n’implique pas ici le même blâme qu’il impliquerait chez nous, qu’en général il manque de fierté, de dé-