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non responsables, et faisant en jupe et en bonnet le double rôle d’ambassadeur indépendant et d’espion de l’ambassadeur officiel.

Dans tous les temps des femmes ont été employées avec succès aux négociations politiques ; plusieurs des révolutionnaires modernes se sont servis de femmes pour conspirer plus habilement, plus en sûreté, et avec plus de secret ; l’Espagne a vu de ces infortunées devenues des héroïnes par le courage avec lequel elles ont subi la punition de leur dévouement amoureux, car la galanterie entre toujours pour beaucoup dans le courage d’une Espagnole. Chez les femmes russes, au contraire, l’amour est l’accessoire. La Russie a toute une diplomatie féminine organisée, et l’Europe n’est peut-être pas assez attentive à ce singulier moyen d’influence. Avec son armée d’agents amphibies, d’amazones politiques, à l’esprit fin et mâle, au langage féminin, au caractère astucieux, la cour de Russie recueille des nouvelles, reçoit des rapports, des avis qui, s’ils étaient connus, expliqueraient bien des mystères, donneraient la clef de bien des contradictions, révéleraient bien des petitesses.

La préoccupation politique de la plupart des femmes russes rend leur conversation insipide, d’intéressante qu’elle pourrait être. Ce malheur arrive surtout aux femmes les plus distinguées, qui sont naturellement les plus distraites lorsque l’entretien ne roule pas sur