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de l’été, il y a hors de quelques chaumières un divan en plein air ; c’est un large balcon couvert, mais à jour : cette espèce de terrasse tourne autour de la maison, et sert de lit à la famille, qui même choisit quelquefois pour sa couche la terre nue. Les souvenirs de l’Orient nous suivent partout.

À toutes les postes où je suis descendu pendant la nuit, j’ai trouvé une rangée de peaux de mouton noires jetées dans la rue le long des maisons. Ces toisons, que je prenais pour des sacs oubliés à terre, étaient des hommes couchés à la belle étoile pour jouir du frais. Nous avons cet été des chaleurs telles qu’on n’en a pas vu en Russie de mémoire d’homme.

Les peaux de mouton, taillées en petites redingotes, servent non-seulement d’habits, mais encore de lits, de tapis et de tentes aux paysans russes. Les ouvriers qui, pendant la grande chaleur du jour, dorment au milieu des champs, ôtent leur houppelande, et s’en font un toit pittoresque pour se défendre des rayons du soleil : ils passent, avec l’ingénieuse adresse qui les distingue des hommes de l’occident de l’Europe, les deux brancards de leur brouette dans les manches de cette pelisse, et tournent ensuite ce toit mouvant contre le jour pour s’en faire un abri, et dormir tranquillement à l’ombre de leur draperie rustique. Cet habit fort chaud est d’une forme élégante ; il serait joli s’il n’était toujours vieux et graisseux,