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un spectacle dont on ne peut jouir qu’en Russie ; et certes, nul homme qui pense ne regrettera la peine qu’il faut prendre pour venir l’examiner de près.

L’état social, intellectuel et politique de la Russie actuelle, est le résultat, et pour ainsi dire le résumé des règnes d’Ivan IV, surnommé le Terrible, par la Russie elle-même ; de Pierre Ier, dit le Grand, par des hommes qui se glorifient de singer l’Europe, et de Catherine II, divinisée par un peuple qui rêve la conquête du monde et qui nous flatte en attendant qu’il nous dévore ; tel est le redoutable héritage dont l’Empereur Nicolas dispose… Dieu sait à quelle fin !… Nos neveux l’apprendront, car sur les faits de ce monde un homme de l’avenir sera aussi éclairé que la Providence l’est aujourd’hui.

J’ai continué de rencontrer de loin en loin quelques paysannes assez jolies ; mais je ne cesse de me récrier contre la coupe disgracieuse de leur costume. Ce n’est pas d’après cet accoutrement qu’il faut juger du sens pittoresque que j’attribue aux Russes. L’ajustement de ces femmes défigurerait, ce me semble, la beauté la plus parfaite. Représentez-vous une manière de peignoir sans corsage, sans forme, un sac qui leur tient lieu de robe, et qu’elles froncent tout juste sous l’aisselle : ce sont, je crois, les seules femmes du monde qui aient la fantaisie de se faire une