Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on n’y marche jamais droit, car presque tout le temps du relais, on serpente d’un côté du chemin à l’autre, et toujours avec la même adresse, la même rapidité furieuse, entre une multitude de petites charrettes à un cheval, dispersées sans ordre sur la chaussée, parce que dix de ces chariots au moins étant conduits par un seul roulier, cet homme unique ne peut maintenir en ligne un si grand nombre de voitures traînées chacune par un cheval quinteux. En Russie, l’indépendance s’est réfugiée chez les bêtes.

La route est donc nécessairement encombrée par tous ces chariots, et sans l’adresse des postillons russes à trouver un passage au milieu de ce labyrinthe mouvant, il faudrait que la poste marchất au train des rouliers, c’est-à-dire au pas. Ces voitures de transport ressemblent à de grandes tonnes coupées en long par la moitiée et posées ainsi tout ouvertes sur des brancards à essieux ; ce sont des espèces de coquilles de noix qui rappellent un peu nos chars de Franche-Comté, mais seulement sous le rapport de la légèreté, car la construction de l’équipage et la manière d’atteler sont particulières à la Russie. On voiture là-dessus, en fait de denrées, tout ce qu’on ne fait pas voyager par eau. Le chariot est attelé d’un seul cheval assez petit, mais dont la force est proportionnée à la charge qu’il traîne ; cet animal courageux, plein de nerf, tire peu, mais il lutte longtemps