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ne sais quel rapport entre la volonté de l’homme et l’intelligence de la bête. Il y va de la vie pour tous ; ce n’est pas seulement d’après une impulsion mécanique que l’équipage est guidé, on reconnaît qu’il y a là échange de pensées et de sentiments : c’est de la magie animale, un vrai magnétisme. Cette manière de marcher me paraît un prodige continuel. Le conducteur miraculeusement obéi, accroît la surprise du voyageur en faisant arrêter, tourner à volonté ses quatre animaux qu’il guide de front comme un seul cheval. Tantôt il les resserre au point de ne tenir guère plus de place qu’un attelage de deux chevaux et ils passent alors dans d’étroits défilés ; tantôt il les espace de manière à ce qu’ils remplissent à eux seuls la moitié de la grande route. C’est un jeu, c’est une guerre qui tient sans cesse en haleine l’esprit et les sens. En fait de civilisation, tout est incomplet en Russie, parce que tout est moderne ; sur le plus beau chemin du monde, il reste toujours quelque travail interrompu ; à chaque instant, vous rencontrez des ponts volants ou provisoires, et que vous êtes obligé de traverser pour sortir brusquement de la chaussée principale, obstruée par quelque réparation urgente ; alors le cocher, sans ralentir sa course, fait tourner le quadrige sur place et le mène hors de la route au grand galop comme un habile écuyer dirigerait sa monture. Reste-t-on sur la grande route,