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IL EST TROP TARD

à venir seraient moins dures que celles qui les avaient précédées.

En 1906, assez souffrant et fatigué, il vint passer les journées de Pâques dans la vallée de Chevreuse avec moi et avec nos enfants. Ce furent deux douces journées, où le soleil se montra clément, et où la fatigue de Pierre Curie lui fut moins lourde, dans un repos bienfaisant auprès des êtres qui lui étaient chers ; il s’amusait dans la prairie avec ses petites filles et s’entretenait avec moi de leur présent et de leur avenir.

Il retourna à Paris, pour une réunion et un dîner de la Société de physique. Assis à côté de Henri Poincaré, il eut avec lui un long entretien sur les méthodes d’enseignement. Tandis que nous retournions à pied à la maison, il continua à développer ses idées sur ce que pourrait être la culture qu’il imaginait, heureux de sentir que son sentiment était partagé par moi.

Le lendemain, le 19 avril 1906, il assistait à la réunion de l’Association des professeurs des Facultés des sciences, avec lesquels il s’entretenait très cordialement des buts que pouvait se proposer l’association. En sortant de cette réunion, à la traversée de la rue Dauphine, il ne put éviter un camion qui venait du Pont Neuf, et tomba sous les roues. La contusion à la tête fut instantanément mortelle, et ainsi fut détruite l’espérance que l’on pouvait fonder sur l’être merveilleux qui venait de disparaître. Dans le cabinet de travail où il ne devait plus revenir, les renoncules d’eau, qu’il avait rapportées de la campagne, étaient toutes fraîches encore.