Page:Curie - Pierre Curie, 1924.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme solution provisoire la disposition d’une grande pièce détachée des services du P. C. N. et la construction, dans la cour, d’un petit bâtiment composé de deux pièces et d’un atelier.

On ne peut s’empêcher d’éprouver quelque amertume à la pensée que cette concession a été la dernière, et qu’en définitive un des premiers savants français n’eut jamais à sa disposition un laboratoire convenable, alors que cependant son génie s’était révélé dès l’âge de vingt ans. Sans doute, s’il eût vécu plus longtemps, il eût bénéficié tôt ou tard de conditions de travail satisfaisantes, mais lors de son décès prématuré, à quarante-huit ans, il en était encore dépourvu. Imagine-t-on le regret de l’ouvrier enthousiaste et désintéressé d’une grande œuvre, retardé dans la réalisation de son rêve par le manque constant de moyens ? Et pouvons-nous songer sans un sentiment de peine profonde au gaspillage, irréparable entre tous, du plus grand bien de la nation : le génie, les forces et le courage de ses meilleurs enfants.

Le besoin extrême d’un bon laboratoire était toujours présent à la pensée de Pierre Curie ; quand, en raison de sa grande notoriété, ses chefs se crurent obligés d’insister auprès de lui, en 1903, pour qu’il acceptât la décoration de la Légion d’Honneur, il déclina cette distinction afin de rester fidèle à ses opinions déjà signalées dans un chapitre précédent, et la lettre qu’il écrivit à ce sujet s’inspire du même sentiment que celle citée plus haut, écrite à son directeur pour refuser les palmes académiques ; j’en extrais ces termes :

« Veuillez, je vous prie, remercier le Ministre et