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PIERRE CURIE


31 janvier 1905.

J’ai dû renoncer à aller en Suède. Nous sommes, comme vous voyez, tout ce qu’il y a de moins en règle avec l’Académie suédoise. À la vérité, je n’arrive à me maintenir en état qu’en évitant toute fatigue physique. Ma femme est dans le même cas que moi, et il ne faut plus songer aux grandes journées de travail d’autrefois.

Comme travail, je ne fais rien pour le moment ; avec mon cours, les élèves, les appareils à installer et la procession interminable de gens qui viennent me déranger sans raison sérieuse, la vie se passe sans que j’aboutisse à rien de bien utile.


24 juillet 1905.
Mon cher ami,

Nous avons bien regretté d’avoir été privés cette année de votre visite et nous espérons vous voir en octobre. Si l’on ne réagit pas de temps en temps, on finit par perdre de vue ses amis les meilleurs et les plus sympathiques et on fréquente d’autres personnes uniquement parce que l’on a facilement l’occasion de les rencontrer.

Nous menons toujours la même vie de gens très occupés pour ne rien faire d’intéressant. Voilà plus d’un an que je n’ai fait aucun travail, et je n’ai pas un moment à moi. Évidemment, je n’ai pas encore trouvé le moyen de nous défendre contre l’émiettement de notre temps, et c’est cependant bien nécessaire. C’est une question de vie ou de mort au point de vue intellectuel.


Au total, malgré ces complications extérieures, notre vie, par un effort de volonté commune, resta aussi simple et aussi retirée que précédemment. Vers la fin de 1904, notre famille s’accrut par la naissance