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PERSONNALITÉ ET CARACTÈRE

pris de préparer le concours de l’agrégation des jeunes filles en vue d’un poste dans l’enseignement et je fus reçue en 1896. Notre existence était entièrement organisée en vue du travail scientifique, et nos journées se passaient au Laboratoire où Schützenberger m’autorisa à travailler auprès de mon mari.

Celui-ci était alors engagé dans un travail sur la croissance des cristaux, qui l’intéressait vivement. Il désirait savoir si certaines faces d’un cristal se développent de préférence parce qu’elles ont une vitesse d’accroissement différente ou parce que leur solubilité est différente. Il obtint assez rapidement des résultats intéressants (non publiés), mais dut interrompre ce travail afin de poursuivre des recherches sur la radioactivité, et ne put jamais le reprendre, ce qu’il regrettait fréquemment. J’étais occupée, à la même époque, d’une étude sur l’aimantation des aciers trempés.

La préparation de son enseignement à l’École était pour Pierre Curie un souci important. La chaire était nouvellement créée, et aucun programme de cours ne lui était imposé. Il partagea d’abord ses leçons entre la cristallographie et l’électricité, puis, reconnaissant de plus en plus l’utilité d’un cours théorique sérieux d’électricité pour de futurs ingénieurs, il se consacra entièrement à ce sujet et réussit à établir un enseignement (en cent-vingt leçons environ), le plus complet et le plus moderne alors à Paris. Il dut accomplir pour cela un effort considérable, dont j’ai été le témoin journalier, constamment soucieux de donner une image complète des phénomènes et