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SYMÉTRIE ET MAGNÉTISME

culièrement de présenter une thèse de doctorat en utilisant pour cela ses premiers travaux. Il avait déjà trente-cinq ans quand il se décida à réunir dans ce but les résultats du beau travail sur le magnétisme qu’il venait d’achever.

Je conserve un souvenir très vivant de cette soutenance de thèse, à laquelle il m’invita, en raison de l’amitié qui nous liait déjà à cette époque. Le jury se composait des professeurs Bouty, Lippmann et Hautefeuille. Dans l’assistance se trouvaient les amis de Pierre Curie, ainsi que son vieux père tout heureux du succès de son fils. Je me souviens de la simplicité et de la clarté de l’exposé, de l’estime marquée par l’attitude des professeurs, et de la conversation engagée entre eux et Pierre Curie, faisant penser à une séance de la Société de physique. La petite salle abrita, ce jour-là, la haute pensée humaine, et de ce sentiment j’étais toute pénétrée.

En évoquant cette période de la vie de Pierre Curie, entre 1883 et 1895, on peut apprécier l’évolution accomplie par le jeune physicien dans sa situation de chef de travaux. Il avait réussi pendant ce temps à organiser un service d’enseignement entièrement nouveau, à publier une série de mémoires théoriques importants et de recherches expérimentales de premier ordre, ainsi qu’à construire des appareils nouveaux d’une grande perfection, tout cela dans des conditions d’installation et de crédits bien insuffisantes. On peut juger par là du chemin qu’il avait parcouru depuis les doutes et les hésitations de sa première jeunesse, pour discipliner ses méthodes de travail et pour tirer parti de ses aptitudes exceptionnelles.