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PIERRE CURIE

Pierre Curie m’a raconté les souvenirs très vifs qu’il conservait de vacances passées à Draveil, au bord de la Seine, où, avec son frère Jacques, il faisait sur la rivière de longues randonnées, agrémentées de bains en pleine eau et de plongeons ; les deux frères étaient excellents nageurs. Ils étaient aussi capables de marcher pendant des journées entières, ayant acquis de bonne heure l’habitude de parcourir à pied les environs de Paris. Parfois aussi, Pierre Curie s’engageait dans des excursions solitaires qui convenaient bien à son esprit méditatif. Il lui arrivait en ce cas d’oublier l’heure et d’atteindre l’extrême limite de ses forces. S’absorbant dans la contemplation ravie des choses extérieures, il ne voulait pas songer aux difficultés matérielles.

Dans des pages de journal écrites en 1879[1], il exprimait ainsi l’influence salutaire exercée sur lui par la campagne : « Oh ! quel bon temps j’ai passé là, dans cette solitude bienfaisante, bien loin des mille petites choses agaçantes qui, à Paris, me mettent au supplice. Non, je ne regrette pas mes nuits passées dans les bois et mes journées qui coulaient toutes seules. Si j’avais le temps, je me laisserais bien aller à raconter toutes les rêvasseries que j’ai faites. Je voudrais aussi décrire ma délicieuse vallée, toute embaumée de plantes aromatiques, le beau fouillis si frais et si humide que traversait la Bièvre, le palais des fées aux colonnades de houblon, les collines rocailleuses et rouges de bruyère sur lesquelles on

  1. Pierre Curie n’a pas laissé de véritable Journal, mais seulement un petit nombre de pages écrites pendant une courte période de sa vie, au hasard des circonstances.