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PIERRE CURIE

confusément quelle force la patrie et l’humanité venaient de perdre.

Curie apportait, dans l’étude des phénomènes physiques, je ne sais quel sens très fin qui, lui faisant deviner les analogies insoupçonnées, lui permettait de s’orienter à travers, un dédale de complexes apparences où d’autres se seraient égarés… Les vrais physiciens, comme Curie, ne regardent ni en dedans d’eux-mêmes, ni à la surface des choses, ils savent voir sous les choses.

Tous ceux qui l’ont connu savent quel était l’agrément et la sûreté de son commerce, quel charme délicat s’exhalait, pour ainsi dire, de sa douce modestie, de sa naïve droiture, de la finesse de son esprit. Toujours prêt à s’effacer devant ses amis ou même devant ses rivaux, il était ce qu’on appelle un « détestable candidat » ; mais, dans notre démocratie, les candidats, c’est ce qui manque le moins.

Qui aurait cru que tant de douceur cachât une âme intransigeante ? Il ne transigeait pas avec les principes généreux dont on l’avait nourri, avec l’idéal moral particulier qu’on lui avait appris à aimer, cet idéal de sincérité absolue, trop haut, peut-être, pour le monde où nous vivons. Il ne connaissait pas ces mille petits accommodements, dont se contente notre faiblesse. Il ne séparait pas, d’ailleurs, le culte de cet idéal de celui qu’il rendait à la science, et il nous a montré par un éclatant exemple quelle haute conception du devoir peut sortir du simple et pur amour de la vérité. Peu importe à quel dieu l’on croit ; c’est la foi, ce n’est pas le dieu qui fait les miracles.

INSTITUT DE FRANCE. Notice sur P. Curie par N.-D. Gernez.

Tout pour le travail, tout pour la science ; voilà le