Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/956

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
938
CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

pour instruire, sans désir secret de se faire valoir, sans entraînement d’orateur enivré par sa propre éloquence. Mais, dans ce qu’il dit, il met toute son âme, sincère, ardente, généreuse, et, au fond, douce et indulgente dans sa véhémence même. « Quand je lis ses discours sur les mœurs et la manière de bien vivre, disait Grégoire de Nazianze, mon âme et mon corps se purifient ; je deviens comme un instrument harmonieux, qui, frappé par l’esprit, célèbre la gloire et la puissance de Dieu[1]. » Avec un peu trop de rhétorique, l’éloquent ami de Basile exprimait heureusement en : ces termes l’effet de sa parole. Elle est pleine d’une sorte d’inspiration qui se communique, elle tend à élever et à purifier, elle monte à Dieu comme par un mouvement naturel.

La collection des Lettres de Basile, dont nous avons déjà signalé l’importance historique, n’a pas une moindre valeur littéraire[2]. L’homme, dont nous venons de donner quelque idée, s’y retrouve tout entier, sous ses divers aspects. Tantôt il y fait de la théologie, tantôt il agit en faveur des causes qui lui tiennent au cœur ; il négocie, il flatte, il réprimande, il excite ; parfois aussi il se fait enjoué ou gracieux, pour une recommandation ou un compliment ; il sait prendre tous les tons, tout en dédaignant le bel esprit. Sa gravité naturelle a son charme en elle-même et n’a pas besoin de s’orner pour être agréable.

Le style de Basile, tout en portant la marque de son temps, est d’un écrivain de race et d’un maître. Il a les bonnes traditions classiques, mais il n’en est pas gêné. L’imitation, chez lui, est devenue naturelle ; elle n’arrête pas l’originalité du génie. Également plein des réminis-

  1. Éloge fun. de S. Basile, p. 362, Morell. J’emprunte la traduction de Fialon, ouv. cité, p. 221.
  2. V. Martin, Essai sur les lettres de S. Basile le Grand, Nantes, 1865.