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ATHANASE

très fort de la réalité. Quand il en vient, après avoir écarté les dieux de l’hellénisme, à étudier le dogme fondamental de sa foi, l’incarnation du Verbe, il ne lui suffit pas de démontrer en métaphysicien qu’elle était possible, ni en théologien qu’elle était nécessaire. S’il s’en tenait là, il ne serait en somme que le disciple éloquent des docteurs chrétiens antérieurs, qui avaient élaboré peu à peu la notion du Verbe, le disciple même de ces néoplatoniciens qu’il combat et qui avaient développé à leur manière des idées analogues. Mais il a de plus qu’eux cette vue claire des choses réelles, qui dénote le politique et l’homme d’action. Ce Verbe auquel il croit, ce n’est pas pour lui une abstraction, un objet de méditation et d’adoration mystique, c’est Dieu lui-même agissant dans le monde par des faits dont il est le témoin, qui lui semblent sans précédents, et qu’aucune puissance humaine n’a pu produire[1].

Une fois engagé dans la lutte avec les Ariens, cette double idée de l’unité de Dieu et de la divinité du Verbe, Athanase l’a méditée, étudiée et défendue, avec une ténacité que nulle difficulté métaphysique n’a jamais fait hésiter un seul instant. On peut lire d’un bout à l’autre les quatre livres du Discours contre les Ariens : impossible de surprendre dans le développement de sa pensée, non seulement une trace de doute, mais une déviation quelconque. Plus on le presse, plus il précise ses définitions. S’il est subtil, ce n’est pas pour se dérober, c’est au contraire pour ne pas se laisser écarter de son idée. Et sans doute, il n’est pas de ceux qui contentent la raison, puisqu’il aboutit au mystère ; mais il est de ceux qui l’étonnent et qui peuvent la dompter, à force de netteté impérieuse.

Ces traits caractéristiques du penseur, nous les retrou-

  1. Disc. sur l’Incarnat. du Verbe, 50, p. 73.