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LITTÉRATURE CHRÉTIENNE : EUSÈBE

fondements sur lesquels repose encore notre connaissance des dates pour une notable partie de l’histoire grecque et romaine.

La Chronique toutefois n’appartient qu’indirectement à la littérature. L’Histoire de l’Église, (Ἐϰϰλησιασστιϰὴ ἱστορία) présente davantage les caractères d’une œuvre littéraire. Elle embrasse en dix livres l’histoire du christianisme depuis sa naissance jusqu’en 323, date de la victoire de Constantin sur Licinius, que l’auteur considère comme celle du triomphe définitif de la vraie religion[1]. À coup sûr, si nous appliquions à cet ouvrage nos exigences modernes, nous serions singulièrement déçus. Outre que l’auteur est un médiocre écrivain, nous ne trouvons dans son récit ni représentation dramatique des évènements, ni étude du mouvement des idées, ni peinture vivante des personnages. Son objet, comme il l’indique dans sa préface, a été simplement de noter les phases de l’extension du christianisme, la suite des périodes de persécution et d’apaisement, d’établir pour chaque siège apostolique la succession des évêques, de faire connaître les grands martyrs et les grands docteurs, leurs actions et leurs écrits, de noter l’apparition des hérésies, la tenue des synodes, la fondation des églises. Il n’a voulu que cela, et il n’a pas fait autre chose ; mais il est le premier qui ait eu la pensée de le faire ou qui en ait été capable. Son récit est peu cohérent, souvent sec, sans mérite d’art ; mais, outre que les faits dont il est plein lui donnent, malgré les légendes qui s’y mêlent, une valeur documentaire de premier

  1. Le principal ms. est un Parisinus du xve siècle, conservé à la Bibl. Mazarine ; voir la préf. de l’éd. de Dindorf. Outre le texte grec, nous possédons une traduction latine de l’Hist. ecclésiastique, composée par Rufin au ve siècle, et une traduction arménienne, du même temps. L’édition usuelle est celle de Dindorf, qui forme le t. IV des Eusebii Cæsariensis opera, Lipsiæ, 1871 (Bibl. Teubner).