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LITTÉRATURE CHRÉTIENNE : EUSÈBE

un élan, une jeunesse, un éclat d’imagination, qui font défaut dans les écoles purement grecques ; et si l’on rencontre encore chez les païens du talent et de la raison, ce n’est que chez les chrétiens qu’on trouve du génie et de l’éloquence. Venons maintenant à l’étude rapide de cette floraison de la littérature grecque chrétienne.


La littérature chrétienne du iiie siècle avait été plutôt savante qu’éloquente, plus préoccupée des idées que de l’art d’écrire. C’est du même esprit, légèrement modifié, que procède encore l’écrivain qui ouvre le ive siècle, Eusèbe de Césarée : son œuvre forme comme une transition naturelle entre le temps d’Origène et celui des Basile et des Chrysostome.

Né en Palestine vers 265, disciple dévoué du savant Pamphile, dont il prit le nom (Εὐσέϐιος Παμφίλου, fils spirituel de Pamphile), Eusèbe, échappé à la persécution de Maximin, fut évêque de Césarée de Palestine, depuis 313 jusqu’à sa mort en 340. Justement renommé pour sa science et ses immenses travaux, il ne cessa de jouir d’un grand crédit auprès de Constantin. Cette situation ne lui permettait pas de rester étranger aux luttes de l’orthodoxie et de l’arianisme. Il y prit part sans passion. Inclinant peut-être au fond vers la doctrine arienne, mais condamnant les solutions tranchées, qui répugnaient à la nature de son esprit comme à son caractère, il cherchait la conciliation dans des compromis que l’orthodoxie lui a reprochés. Après avoir échoué dans ses tentatives au concile de Nicée en 325, il souscrivit, d’assez mauvaise grâce, à la formule de foi adoptée par la majorité. Cela ne l’empêcha pas de se montrer hostile au chef des orthodoxes intransigeants, Athanase, dans les synodes d’Antioche (330) et de Tyr (335). Curieuse nature en somme, à la fois sincère et habile, plutôt faite pour l’étude que pour l’action, plutôt