Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
849
ORIGÈNE

encore confus dans les ouvrages de celui-ci s’offre ici sous l’aspect d’une construction simple et puissante. Nous voyons, par une lettre d’Origène lui-même dans Eusèbe, que ses cours furent suivis quelquefois par des philosophes étrangers au christianisme[1] : il n’y a pas lieu d’en être surpris ; car si ce large enseignement aboutissait à la théologie chrétienne, c’était, comme on le voit, en traversant presque tout le domaine du savoir hellénique[2]. Et c’est justement cette influence profonde de la pensée grecque, pénétrant dans toutes les parties d’une doctrine d’ailleurs chrétienne, qui a constitué ce qu’on peut appeler l’Origénisme et qui l’a rendu bien vite suspect à une orthodoxie défiante.

En elle-même, et par l’effort sincère qu’elle révèle, l’œuvre d’Origène inspire le respect. Mais, au point de vue de la critique littéraire, il faut reconnaître qu’elle demeure secrètement viciée par quelque chose de hâtif et d’incomplet. On ne peut s’empêcher de regretter qu’un homme d’une si haute valeur ait eu si peu de temps pour mûrir sa doctrine et pour dégager sa personnalité. Chargé d’enseigner à un âge ou les esprits réfléchis commencent seulement à apprendre, Origène fut contraint toute sa vie de se faire rapidement ses idées, à mesure qu’il les exposait : il n’eut jamais le loisir de se recueillir, de réviser ses méthodes, de se juger lentement lui-même, d’éliminer les parties faibles de sa philosophie et de condenser les autres. Par suite,

  1. Eusèbe, Hist. eccl., VI, chap. xxx, 42.
  2. Ibid. : Ἔδοξεν ἐξετάσαι, τὰ τῶν φιλοσόφων περὶ ἀληθείας λέγειν ἐπαγγελλόμενα. Porphyre, dans Eusèbe, Hist. eccl., VI, chap. xix, 8 : Συνῆν τε γὰρ ἀεὶ τῷ Πλάτωνι τοῖς τε Νουμηνίου ϰαὶ Κρονίου Ἀπολλοφάνους τε ϰαὶ Λογγίνου ϰαὶ Μοδεράτου Νιϰομάχου τε ϰαὶ τῶν ἐν τοῖς Πυθαγορείοις ἐλλογίμων ἀνδρῶν ὡμίλει συγγράμμασιν · ἐχρῆτο δὲ ϰαὶ Χαιρήμονος τοῦ Στωϊϰοῦ Κορνούτου τε ταῖς βίϐλοις. Jérôme, Ep. 70, dit qu’Origène a voulu trouver dans Platon et Aristote, Noumenios et Cornutus, la justification des dogmes du christianisme.