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CHAP. VI. — DE SEPTIME-SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

des idées, en partie à l’état d’altération du texte. Il ne semble pas d’ailleurs qu’aucun élément nouveau y soit ajouté à ce que Plotin avait créé.

L’ample traité Sur l’abstinence de la chair (Περὶ ἀποχῆς ἐμψύχων (Peri apochês empsuchôn)), en quatre livres, aujourd’hui incomplet à la fin, n’est pas au fond beaucoup plus personnel. L’auteur s’y adresse à un autre des disciples de Plotin, à Firmus Castricius, qui peu à peu était revenu à l’usage de la viande, proscrit par l’ascétisme du maître, et il combat comme une faute grave cette infraction aux principes. Il le fait avec méthode, avec une certaine force de dialectique et de sentiment, mais surtout avec une érudition d’où résulte aujourd’hui la principale valeur du livre : les renseignements y abondent sur beaucoup d’opinions des diverses sectes, et aussi sur un grand nombre de points qui touchent à la vie des anciens, notamment aux sacrifices[1]. L’inspiration générale, toute mystique, se traduit, çà et là, par des expressions frappantes[2], sans qu’on puisse dire que, dans l’ensemble, la personnalité de l’auteur s’accuse très vivement. Le style vaut surtout par la correction du tour et la bonne tenue. Ce qui est le plus curieux, quant au fond, c’est de voir là comment l’école néoplatonicienne, tout en respectant les usages religieux du monde grec, tendait à les épurer, et comment en particulier la notion du sacrifice rituel s’idéalisait pour elle[3]. La théologie a aussi sa part dans cet ouvrage, mais une part restreinte ; c’est d’ailleurs celle des Ennéades.

  1. On y trouve aussi quantité de citations intéressantes ; l’auteur a particulièrement utilisé le traité de Théophraste Sur la piété, au point qu’avec son livre on peut le restituer en partie. Il a emprunté, en outre, maint passage aux poètes. Bernays, Theophrastos Schrift ueber Frommigkeit, Berlin, 1866.
  2. I, 57 : Οὐϰ ἕστιν ἄλλως τυχεῖν τοῦ τέλους ἢ προσηλωθέντα μὲν, εἰ χρὴ φάναι, τῷ θεῷ, ἀφηλωθέντα δὲ τοῦ σώματος.
  3. II, 33 et suiv.