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CHAP. VI. — DE SEPTIME SÉVÈRE À DIOCLÉTIEN

prendre à bien juger et à bien s’exprimer[1]. Dans sa pensée, ces descriptions étaient donc, avant tout, des modèles de composition et de style ; et c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue. Ce genre, d’ailleurs, était depuis longtemps à la mode dans les écoles[2]. En admettant, ce qui paraît probable, que les œuvres d’art décrites par Philostrate existaient réellement, il est bien certain qu’il n’y a pas à attendre de lui une exactitude dont il ne se souciait pas[3]. Les tableaux dont il parle deviennent pour lui des matières de discours ingénieux et brillants ; aucun scrupule n’a dû l’empêcher de prêter aux artistes des mérites imaginaires, pour peu qu’il y vît un moyen d’étaler les siens. Si c’est là de la critique d’art, c’est encore bien plus de la rhétorique et de la sophistique. Mais, dans cette sophistique, Philostrate a de l’agrément, de la finesse, de la vie, une certaine grâce malgré son affectation, et même du goût. Vraies ou imaginaires, les expressions de physionomie et les attitudes sont délicatement analysées. En outre, il complète nos informations sur certains mythes et sur la façon dont on les représentait. L’œuvre ne vaut pas la réputation qu’on lui a faite autrefois, mais elle n’est pas non plus à dédaigner.

Le succès qu’elle obtint parmi les contemporains est attesté par les imitations qu’elle suscita. Philostrate fit

  1. Préface : … Ἀφ’ὤν ἑρμηνεύσουσί τε ϰαὶ τοῦ δοϰίμου ἐπιμελήσονται.
  2. Voir Suidas, Νιϰόστρατος Μαϰεδών. On a vu plus haut que Lucien s’était complu à décrire des œuvres d’art et à les interpréter.
  3. La question indiquée ici a divisé et quelque peu passionné les archéologues. Selon K. Friedrichs, les tableaux de Philostrate auraient été composés par lui d’après des passages de divers poètes (Die Philostratischen Bilder, N. Jahr. f. class. Phil., 1861). Mais, l’opinion contraire a été fortement défendue, surtout par H. Brunn (Die Philoatratischen Gemälde, même recueil, vol. supplém., 1861 et 1871). Pour l’opinion intermédiaire, voir F. Matz, De Philostratorum in describendis imaginibus fide, Bonn, 1867.