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ÉPICURE

son domaine, mais sans que leurs biens fussent en commun : la maxime des Pythagoriciens, que la propriété des amis doit être commune (κοινὰ τὰ φίλων), lui semblait une maxime de méfiance réciproque : les vrais amis devaient être assez sûrs les uns des autres pour n’avoir pas besoin d’être propriétaires indivis d’un bien collectif[1]. C’est ainsi qu’il vivait avec Métrodore, cet autre lui-même, dont on aimait, dans l’antiquité, à reproduire les traits avec les siens dans de doubles bustes. C’est le même sentiment qu’on retrouve dans ses relations avec les autres disciples, dans sa tendresse pour son esclave Mys, qu’il forma à la philosophie[2], dans son testament, si noble, enfin dans une foule de belles pensées qu’il a écrites sur l’amitié : « Un ami mort est doux encore au souvenir[3]. » — « Il est plus doux de faire du bien que d’en recevoir[4] ; » etc. Diogène Laërce vante aussi sa sobriété, que nous n’avons aucune raison de mettre en doute. Bref, comme homme, il eut droit à tout respect et à toute affection. Il mourut en 270, laissant une quantité considérable d’écrits et une école florissante.

Épicure fut un écrivain prodigieusement fécond. Il avait composé, selon Diogène, presque autant d’ouvrages que le Stoïcien Chrysippe[5]. C’étaient d’abord d’innombrables traités sur des points particuliers du système. Diogène en donna la liste[6]. Mais c’étaient aussi des résumés, des catéchismes de la doctrine, destinés à être appris par cœur et à servir de vade mecum aux disciples[7]. Telles sont les deux Lettres à Hérodote et à Ménécée,

  1. Diog. L., X, 11.
  2. Id., ibid., 10.
  3. Usener, p. 164 ; cf. toute la page.
  4. Plutarque, Bonheur selon Épicure, 15, p. 1097, A (Usener, p. 325).
  5. Diog. L., X, 26.
  6. Id., ibid., 27 et suiv.
  7. Diog. L., X, 12. Gr. 35-36 (début de la Lettre à Hérodote).