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PHILOSTRATE DE LEMNOS

presque tous les héros de la guerre de Troie ; il lui décrit leur aspect et leurs mœurs ; c’est une évocation d’un monde surhumain dans un cadre rustique. À la fois crédule et bel-esprit, l’auteur vise à satisfaire simultanément le mysticisme et le raffinement littéraire de ses contemporains. Dans une sorte de pastorale dévote, d’assez pauvres histoires de revenants se revêtent tantôt d’ornements sophistiques, tantôt des couleurs de la poésie, à quoi s’ajoute une tendance à moraliser. Son vigneron, ancien citadin, a passé par les écoles, avant de se faire campagnard (I, 2). Ayant trouvé le bonheur avec la sagesse dans une existence simple et laborieuse, il vit auprès de son demi-dieu dans une sorte de rêve perpétuel, curieux de mieux connaître par lui les héros que les poètes ont célébrés. Grâce à ses confidences, il corrige à sa manière les vieilles légendes pour les rendre ou plus morales, ou plus dramatiques[1]. En définitive, de ces entretiens rustiques, se dégage une sagesse éclectique, dont la teinte générale est pythagoricienne[2].

Il faut s’arrêter un peu plus sur les Tableaux (Εἰϰόνες), un des livres des Philostrate les plus lus et les plus cités[3]. C’est un recueil de 64 descriptions de tableaux, formant deux livres. L’auteur, dans une courte préface, nous apprend que ces tableaux se trouvaient à Naples dans un portique attenant à une villa ou il avait fait un séjour. Un jour, nous dit-il, interrogé par des enfants, il eut l’occasion de leur en expliquer les sujets et la composition. Ce qu’il avait dit ainsi, il le mit ensuite par écrit, pour qu’en le lisant les jeunes gens pussent ap-

  1. Il utilise pour cela des tragédies perdues, ce qui donne aujourd’hui à ses récits une certaine valeur documentaire.
  2. Portraits de Palamède, d’Ajax, d’Achille, etc.
  3. Consulter E. Bertrand, Un critique d’art dans l’antiquité ; Philostrate et son école, Paris, Thorin, 1882 ; Bougot, Une Galerie antique, traduction, avec une introduction et des commentaires, Paris, 1881.