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APOLOGISTES DU SECOND RANG

le genre apologétique, c’est l’importance donnée à la démonologie. Les idées ébauchées par Justin sur ce sujet sont développées par Tatien avec l’outrance passionnée qui était dans sa nature. Toute la civilisation hellénique devient pour lui l’œuvre perfide des démons, quand elle n’est pas un simple larcin. Et ainsi l’apologie se transforme en une diatribe virulente, dont l’injustice est mal rachetée par une sorte d’éloquence amère[1].

Tout autre est Athénagoras, Athénien et philosophe chrétien, selon le titre qui figure en tête de son Apologie[2]. Celle-ci (Πρεσβεία περὶ Χριστιανῶν) est adressée aux empereurs Marc-Aurèle et Commode : postérieure par conséquent à 176, année où Commode fut associé à l’empire, et antérieure à 180, année de la mort de Marc-Aurèle, elle date probablement de 177. Naturellement modéré, Athénagoras ne fait point de satire : il se borne à défendre les chrétiens contre les calomnies qui les représentaient comme des athées et qui leur imputaient d’infâmes et sanglantes débauches. Son argumentation est simple, ordonnée, convaincante, présentée avec bon ton et dignité, dans un style correct ou même élégant. Rien chez lui des colères de Tatien contre l’hellénisme. Loin de mépriser la philosophie grecque, il l’estime ; et, en fait, il use de ses méthodes, lorsqu’il entreprend de démontrer rationnellement l’unité de Dieu. Les mêmes qualités se retrouvent, à un degré moindre, dans son

    Patrologie, § 17, 1. — Éditions. Outre celle d’Otto dans le t. VI de son Corpus, citons l’édition plus récente de Schwartz, Leipzig, 1888, dans la collection des Texte und Untersuchungen.

  1. Voir par exemple le ch. xxvi et tout le mouvement satirique marqué par ce début : Παύσασθε λόγους ἀλλοτρίους θριαμβεύοντες κ. τ. λ.
  2. C’est le seul renseignement que nous ayons sur sa personne. Les écrivains ecclésiastiques ne disent rien de lui. Voir pourtant Bardenhewer, Patrol., § 18. 1, et L. Arnould, De Apologia Athenagoræ, Paris, 1898 (p. 12 et suiv., discussion du fragment suspect où Philippe de Sida parlait d’Athénagoras).