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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

les qu’il leur attribue. Une grande partie de sa science était empruntée à ses prédécesseurs, en particulier à Crateuas, qu’il cite assez souvent[1] : c’est une des sources qui lui sont communes avec Pline ; il est impossible d’apprécier aujourd’hui ce qu’il y avait ajouté quoiqu’il déclare, dans sa préface, « avoir parcouru différents pays pour connaître les substances qui peuvent être utiles dans la médecine »[2]. Comme écrivain, Dioscoride n’a guère d’autre mérite que de n’être ni long ni obscur. Son renom en somme est celui d’un spécialiste, au sens le plus étroit du mot.

Au contraire, les vrais représentants de la médecine, en ce temps, sont tous plus ou moins des philosophes, et quelques-uns sont des écrivains. Les sectes qui s’étaient constituées pendant la période alexandrine continuaient à subsister ; de nouvelles s’y étaient même ajoutées. Tandis que les Dogmatiques, qui se rattachaient à Hippocrate, à Platon, à Aristote, tenaient énergiquement pour la recherche des causes et expliquaient le fonctionnement des organes par des forces spécifiques (δυνάμεις) adaptées à certaines fins, les Empiriques, au contraire, n’admettant ni forces préexistantes ni causes, ne voulaient connaître que des faits particuliers, caractérisés par les circonstances concomitantes ou symptômes (συμπτώματα). Entre ces deux sectes, une troisième, celle des Méthodiques, avait surgi dans le cours du ier siècle avant J.-C., sous l’influence d’Asclépiade de Bithynie, et surtout de Thémison. Ceux-là, non plus, ne croyaient ni aux causes ni aux forces ; mais ils se distinguaient des empiriques en ce que, au lieu de s’en tenir aux faits particuliers, ils les groupaient en genres selon

  1. Sur Crateuas et ses rapports avec Dioscoride, voir Wellmann, Cratevas, Berlin, 1897.
  2. Il semble résulter d’autres allusions qu’il les parcourut à la suite des armées romaines.