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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

citations, de réminiscences[1]. Dans ce mélange d’emprunts, il est difficile de dire quel est l’élément qui prédomine. Toutefois, d’une manière générale, c’est la langue élégante de la prose du ive siècle, ou celle de la poésie du même temps, en ce qu’elle a de très voisin de la prose, qui semble avoir eu le plus d’influence sur la sienne. Sa manière d’écrire rappelle surtout celle de la comédie moyenne et nouvelle, probablement aussi celle d’auteurs perdus tels que Bion le Borysthénite ou Ménippe de Gadara.

Mais quelle que soit, dans son style, la part des éléments traditionnels, il est incontestable que sa personnalité d’écrivain y éclate partout. Ce vocabulaire, qu’il doit à ses auteurs, il le manie avec une prestesse charmante ; le mot vif, amusant, inattendu, lui arrive sans qu’il ait l’air de le chercher ; et pour varier les nuances, détailler les incidents, souligner les effets, insinuer les sous-entendus, il a une souplesse et une richesse verbale des plus rares. La finesse est un des caractères les plus frappants de sa : langue : elle est exquise, soit dans les traits satiriques, soit dans les descriptions plaisantes, soit dans l’appréciation des œuvres d’art, dont il parle en connaisseur avec une délicatesse qui a été souvent remarquée et louée à bon droit[2]. Cette finesse n’a rien de laborieux ni de cherché. Elle s’allie le mieux du monde à la verve, à la malice, à l’entrain et au mouvement, à toutes les qualités vivantes et brillantes. Elle n’exclut pas non plus la force. Bien que Lucien préfère en général le tour ironique, il trouve, quand il le faut, des expressions véhémentes, qui détachent, avec une

  1. A. Du Mesnil, Grammaticæ, quam Lucianus in scriptis suis secutus sit, ratio cum antiquorum atticorum ratione comparatur, Stolpe. 1867 ; Sam. Chabert, l’Atticisme de Lucien, Paris, 1897.
  2. H. Blümner, De locis Luciani adartem spectantibus, Berlin, 1866 ; Archaeologische Studien zu Lucian, Breslau, 1867.