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PLUTARQUE ; LES VIES PARALLÈLES

taché à ce genre, et j’y ai pris demeure pour mon propre plaisir, l’histoire étant pour moi comme un miroir, devant lequel je m’essayais à embellir ma vie en la conformant aux grands exemples[1]. » Ainsi Plutarque, au début, n’écrit que sur les instances de ses amis, suivant une habitude qui lui était familière et qu’attestent presque toutes ses œuvres morales. Puis, il se complaît à ce qu’il fait, il sent qu’il en tire profit, et il continue alors pour sa propre satisfaction, avec une intention de moraliste, qui devient prédominante. Il travaille dans cet esprit plus ou moins longtemps, s’attachant à choisir les biographies qui offraient de grands exemples. Plus tard, il s’avise qu’on peut profiter aussi du spectacle des grandes fautes : et il se décide à écrire les vies de quelques hommes qui ont été insignes dans le mal : il commence par Démétrius Poliorcète et Antoine[2]. Enfin, quand il a épuisé tout le domaine de l’histoire proprement dite, il ne craint pas de remonter jusqu’aux temps mythologiques, et il compose quelques biographies à demi fabuleuses[3]. Voilà ce qu’il nous apprend de plus important sur l’ordre général qu’il suivit dans l’exécution de son dessein : en outre, il nous donne, çà et là, des indications de détail, d’où il résulte que toutes ses Vies parallèles furent publiées par couple, chaque couple formant un tout avec la comparaison (σύγκρισις) qui y était jointe[4]. Il nous fait même connaitre le rang de quelques-uns de ces couples dans la série[5]. C’est d’après ces indications,

  1. Timoléon, début. Cf. Périclès, ch. i et ii.
  2. Démétr., ch. i.
  3. Thésée, ch. i.
  4. Voyez la note suivante. — Ces Comparaisons tiennent en effet étroitement aux biographies qu’elles accompagnent ; elles sont le résumé et la conclusion nécessaire du parallèle conduit jusque-là sous forme de récit. Si quelques couples de vies n’ont pas de comparaison, c’est que ce morceau a été perdu.
  5. Démosth., ch. iii ; Périclès, ch. ii ; Dion, ch. ii.