Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
524
CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

mais il se donne à lui-même l’illusion d’en sortir au moyen d’interprétations, de palliatifs, de faux-fuyants, qui paraissaient quelque peu puérils à un moderne.

Plutarque a donc porté dans la critique littéraire, il faut le reconnaître, des vues qui sont non seulement étrangères, mais contraires à la nature de ce genre. Sa vraie vocation était de moraliser, et nous allons voir qu’il moralise encore, même lorsqu’il écrit l’histoire.

IX

Toute l’œuvre de Plutarque, comme historien, consiste dans ses Vies parallèles, les quelques recueils de notes érudites dont nous avons parlé plus haut n’étant réellement que des matériaux, non mis en valeur. Ces biographies ont une renommée ancienne et solide. Et pourtant il ne semble point, à les examiner en critique, qu’elles s’imposent à l’admiration par des mérites tout-à-fait supérieurs. Les qualités qui en ont fait et qui en assurent le succès sont des qualités moyennes, mélangées d’ailleurs d’assez graves défauts. Mais ces qualités sont de celles qui séduisent, qui se font aimer, qui empêchent de remarquer ce qui manque. Il vaut la peine de s’y arrêter ici quelques instants.

La biographie était un genre anciennement cultivé en Grèce ; on a pu en noter plusieurs espèces au cours de cette histoire. On avait écrit des vies de poètes, d’orateurs, de musiciens, de philosophes, des vies de capitaines illustres el d’hommes d’État ; tantôt brièvement, sous forme de notices, en vue de conserver le souvenir des faits essentiels qui concernaient ces personnages ; tantôt avec plus d’ampleur et d’un ton plus oratoire, en jugeant les actions, en développant les desseins, à la manière des historiens de profession. Lorsque Plutarque entreprit