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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

de tous les pays. Même en y faisant très grande la part de l’exagération et de l’esprit de système, il demeure encore, comme il a toujours été, une source de force morale et de haute inspiration, par la part de vérité qu’il contient dans ses formules brèves et dans ses images saisissantes.

Les ouvrages d’Épictète ont été beaucoup lus au second et au troisième siècle[1]. Au quatrième, les païens les opposaient volontiers aux docteurs chrétiens, qui furent ainsi amenés à les déprécier. Vers ce temps, les Entretiens perdirent peu à peu de leur popularité ; mais le Manuel garda la sienne. Il fut commenté au cinquième siècle par le philosophe Simplicius, dont l’œuvre est venue jusqu’à nous, et il était fort en honneur encore, au sixième, parmi les derniers néoplatoniciens d’Alexandrie[2]. De son côté, le christianisme, dès qu’il ne fut plus contesté, le reprit à son compte. Nous possédons deux Paraphrases du Manuel, l’une accommodée à l’usage des moines, qui est attribuée à S. Nil, et une autre, anonyme, également chrétienne, à peu près du même temps.

III

Cette sagesse, sèche et nue, tranchait singulièrement avec le goût qui régnait alors dans le monde hellénique. Nous verrons plus loin que c’était le temps où grandissait dans la Grèce d’Asie la nouvelle sophistique, c’est-à-dire la forme d’éloquence la plus éprise de suc-

  1. Sur l’histoire des ouvrages d’Épictète et leur influence dans l’antiquité, voir l’édition de Schenkl, Préf., p. XIII. Ajouter le témoignage d’Origène, C. Celse, VI, 2 : Ἔστι γοῦν ἰδεῖν… τὸν Ἐπίκτητον καὶ ὑπὸ τῶν τυχόντων καὶ ῤοπὴν πρὸς τὸ ὠφελεῖσθαι ἐχόντων θαυμαζόμενον, αἰσθομένων τῆς ἀπὸ τῶν λόγων αὐτοῦ βελτιώσεως..
  2. Photius, 242 (p. 339 Bekker) Ἔλεγε μὲν ὁ Θεοσέβιος τὰ πολλὰ ἀπὸ τῶν Ἐπικτήτου σχολῶν (extrait de la Vie d’Isidore par Damascius).