Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
PHILON ; SA VIE

cerdotale qui semble avoir tenu un haut rang parmi les Juifs d’Alexandrie, Philon reçut dans sa jeunesse une double éducation, hellénique et hébraïque, des plus complètes[1]. Il connut tous les grands écrivains de la Grèce, poètes et prosateurs, mais plus particulièrement les philosophes, et, entre ceux-ci, Platon, dont l’influence le pénétra tout entier[2]. En même temps, il étudia à fond l’Ancien Testament, non seulement en le lisant lui-même, mais en l’entendant commenter dans les écoles juives et dans les synagogues. Devenu homme, il semble avoir vécu constamment dans le milieu où il avait été élevé, aimant la retraite et se donnant avec amour à cette philosophie religieuse qui était tout pour lui. Lui-même comptait alors au nombre des principaux docteurs de la sagesse révélée ; et l’on sent que la plupart de ses ouvrages, avant d’être écrits, ont dû être professés à l’école ou dans le temple. Il vécut ainsi, sous Auguste et sous Tibère, de plus en plus renommé parmi les siens pour sa vertu, pour sa science et pour son éloquence. C’était un homme grave, détaché du monde, que l’on devait vénérer profondément. Sous Caligula, d’a-

  1. Sources de la biographie de Philon : Suidas, Φίλων Ἰουδαῖος ;  ; Photius, Bibl., 105 ; puis de nombreux témoignages dispersés ; les plus importants sont ceux de Philon lui-même, notamment dans ses écrits Contre Flaccus et Sur l’ambassade. De nos jours, la biographie de Philon tient naturellement sa place dans tous les ouvrages relatifs à sa philosophie, dont il sera question un peu plus loin. Citons à part les pages que lui a consacrées Renan dans le dernier volume de son Histoire d’Israël. Consulter, comme étude d’ensemble, l’article de Daehne, dans l’Encyclop. de Ersch et Gruber.
  2. Il est curieux de comparer à cet égard l’éducation de Philon à celle de l’historien Joseph, les idées des Juifs d’Alexandrie à celles des Juifs de Jérusalem. À Jérusalem, l’éducation d’un jeune israélite de bonne famille est purement juive ; à Alexandrie, elle est plus grecque encore que juive. Il n’est pas même sûr que Philon sût l’hébreu. En tous cas, il cite la Bible d’après la traduction grecque, « qu’il suit, comme l’a dit E. Havet, jusqu’à en être dupe. »