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CHAPITRE VI. — LES GRECS À ROME

à étudier[1]. Le livre eut un succès prodigieux. Pendant douze siècles, il fut reproduit, commenté, abrégé, amplifié, traduit[2]. Nous en possédons des rédactions et des traductions partielles dans des manuscrits datant du xe siècle environ. Le texte original, dans un ouvrage de cette sorte, était particulièrement exposé à subir des altérations variées : c’était un « Lhomond » sans cesse remanié. On y voit cependant encore le genre de mérite de Denys. La rédaction est précise et claire. Les termes techniques, très nombreux, y sont nettement définis. On y reconnaît l’esprit classificateur et subtil de la Grèce. Le défaut de cet esprit, parfois logique à l’excès, se révèle dans l’exposé des formes (par exemple dans la conjugaison du verbe τύπτω), où le grammairien, fidèle aux théories d’Aristarque sur l’analogie, ne résiste pas au plaisir de conjuguer des formes verbales logiquement correctes, mais inusitées. Il est difficile aujourd’hui de dire exactement quelle était dans tout cela la part vraiment personnelle de Denys ; mais son mérite d’arrangeur au moins n’est pas douteux.


Mentionnons encore, à côté de Denys, son disciple Tyrannion l’ancien[3], amené à Rome par Lucullus, et le disciple de celui-ci, Tyrannion le jeune, qui vécut aussi à Rome. — Tyrannion l’ancien, souvent cité par Hérodien pour ses commentaires sur la poésie homérique, est surtout connu pour ses travaux sur les copies des ouvrages inédits d’Aristote, qu’Apellicon de Téos avait récemment exécutées, et que Sylla venait de transporter à Rome[4]. — Tyrannion le jeune avait commenté à son tour certains écrits de son maître.

  1. Édition de G. Uhlig, Dionysii Thracis Ars grammatica, Leipzig, 1884, avec prolégomènes, commentaires, index, etc.
  2. Cf. Uhlig, p. VI.
  3. Suidas, Τυραννίων.
  4. Cf. plus haut, t. IV, p. 688.