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CHAPITRE Ier. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX

qui oserait dire qu’il fût tout à fait injuste ? Les Muses domestiquées d’Alexandrie ne sont certainement plus tout à fait les mêmes que ces libres déesses de l’Hélicon, qu’Hésiode voyait « agiter en cadence leurs pieds délicats sur la haute et sainte montagne, auprès de la fontaine aux eaux violettes, devant l’autel du puissant fils de Kronos[1] ».

Après Alexandrie, Pergame est une autre capitale littéraire. Les Attales rivalisèrent avec les Lagides. On sait qu’ils attirèrent de nombreux artistes et que Pergame fut au IIIe siècle le siège d’une florissante école de sculpteurs. Ils fondèrent aussi une riche bibliothèque. Celle-ci, moins considérable que la bibliothèque d’Alexandrie, n’était guère moins précieuse, s’il est vrai que Marc-Antoine, après l’incendie qui avait consumé la bibliothèque des Ptolémées, put trouver à Pergame deux cent mille volumes qui contenaient tous des ouvrages différents, et en faire présent à Cleopâtre[2]. Autour de cette bibliothèque, les travailleurs affluèrent. Les Attales furent toujours en relations étroites avec Athènes, en particulier avec l’Académie et le Portique. Il vint donc à Pergame quelques philosophes, mais surtout il y vint ou il s’y forma des érudits, historiens et philologues, attirés par ces milliers de volumes.

Antioche, la capitale des Séleucides, devenue rapidement une riche et luxueuse cité, eut aussi une bibliothèque célèbre, et par conséquent des bibliothécaires, c’est à dire des érudits. Le plus connu est Euphorionde Chalcis, qui y vint à la fin du IIIe siècle, sous Antiochus III le Grand. Mais le séjour d’Antioche était évidemment peu favorable à l’étude ; on y songeait plus au plaisir qu’au travail. Les rois y attirèrent parfois

  1. Théogonie, début.
  2. Plutarque, Marc-Antoine, 58, 3.