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CHAPITRE V. — POLYBE

teurs du siècle précédent, Polybe rejoint d’emblée Thucydide. Il est comme lui un homme d’action, un historien formé par la vie, et il veut faire de l’histoire un enseignement solide, soit pour les hommes d’État proprement dits, soit pour les esprits avides de savoir.

Comment Polybe a-t-il réalisé cette théorie ?

IV

§ 1. CONNAISSANCE DES CHOSES ET DES LIVRES ; CRITIQUE ET IMPARTIALITÉ.

Polybe apporte d’abord, dans sa tâche d’historien, une connaissance des affaires politiques et militaires qui n’a pas besoin d’être démontrée : elle résulte de sa vie tout entière, dont la première partie est remplie par l’action, et la seconde par des entretiens avec tout ce que Rome compte de plus éminent dans la politique et dans la guerre. Polybe, d’ailleurs, n’est pas seulement capable d’apprendre un art par routine : il réfléchit sur ce qu’il fait, et ne cesse d’unir à la pratique l’analyse la plus attentive et la plus méthodique. Il a même le goût de la théorie. Il a l’esprit didactique. Sur l’art de la guerre, il a écrit, nous l’avons vu, un traité spécial ; dans son histoire elle-même, il a des développements étendus, presque un traité, sur l’art du commandement[1]. Sur la politique, il abonde en réflexions.

Pour connaître le théâtre des événements qu’il devait raconter, il a fait de nombreux voyages géographiques ; car il attache, comme on sait, une importance capitale à la connaissance des lieux[2]. Trois livres entiers de son

  1. Polybe, IX, 11-19.
  2. Sur la géographie de Polybe, cf. Max Schmidt, De Polybii geographia, Berlin, 1815, et Marcel Dubois, Examen de la géographie de Strabon (Paris, 1894), p. 287-302.