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BION, MOSCHOS

Bion était de Smyrne[1]. Il est rangé unanimement parmi les poètes bucoliques. Lui-même parle de ses bucoliasmes[2], et le Chant funèbre attribué à Moschos l’appelle Βώκολος[3]. Les dix-sept morceaux qui nous restent sous son nom, et dont plusieurs sont des fragments, nous permettent seulement d’entrevoir le vrai caractère de sa poésie. Le plus long de ces morceaux est un Chant funèbre en l’honneur d’Adonis (Ἐπιτάφιος Ἀδώνιδος), évidemment inspiré par le tableau qui termine les Syracusaines. Le poème de Bion est censé destiné à une fête d’Adonis[4]. C’est une longue plainte entrecoupée de refrains, à peu près comme le chant funèbre de Théocrite en l’honneur de Daphnis dans la Ire Idylle. Le sentiment en est aussi sincère qu’il pouvait l’être dans un poème de ce genre, la langue pure, le style d’une simplicité étudiée qui n’est pas sans grâce. Il y a, chez Bion, des qualités d’émotion et d’harmonie qui sont d’un véritable poète. Les fragments VI et XV mettent en scène des bergers qui dialoguent entre eux. Les autres morceaux, qui n’ont guère le caractère bucolique, nous montrent en lui surtout un homme d’esprit et un poète de l’amour. Le fragment II est une jolie fable, d’un tour tout alexandrin, où un enfant, prenant un Éros ailé pour un oiseau, cherche à s’en emparer ; un vieillard, qui l’aperçoit, lui dit en souriant :

Laisse là ta chasse, ne poursuis pas cet oiseau, fuis plutôt : c’est une bête redoutable. Plaise au ciel que tu ne l’attrapes pas, quand tu seras homme ! Cet Éros, qui te fuit aujourd’hui et saute loin de ta main, de lui-même alors venant soudain vers toi, se posera sur ta tête.

  1. Suidas, Θεόκριτος (… Σμυρναῖος, ἔκ τινος χωριδίου καλουμένου Φλώσσης). Il mourut empoisonné par un ennemi, s’il faut en croire l’Ἐπιτάφιος, v. 116 et suiv.
  2. 11, 4-5.
  3. Vers 11.
  4. Cela résulte des derniers vers.