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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

Sa phrase est souple comme ce lierre, vive aussi et légère comme Galatée. Dans le dialogue, elle est étonnamment libre et coupée ; nous avons dit qu’elle brisait le vers suivant ses caprices ; c’est pour cela qu’elle le suspend sans cesse au quatrième pied. Dans les descriptions, toujours courtes et sobres, le poète commence d’ordinaire par quelques traits pittoresques, précis, colorés ; puis, d’un dernier trait large et simple, il achève le tableau en y mettant l’effet d’ensemble, souvent même la grandeur :

Sa race remonte à Clytie et à Chalcon lui-même, qui, de son pied, fit jaillir la source Bourina, le genou bien appuyé sur la pierre : et, autour de la fontaine, les peupliers et les tilleuls tressaient leur bocage ombreux, inclinant vers ses eaux leur verte chevelure[1].

Ménalque dit à Daphnis :

Les trésors de Pélops et tout l’or de Crésus n’excitent point mon envie ; je ne me soucie pas de devancer les vents à la course : sous cette roche, je chanterai, t’enlaçant dans mes bras, surveillant du regard nos troupeaux confondus, je chanterai vers la mer de Sicile[2].

Et, dans la belle description des Thalysies, citée plus haut, qu’on se rappelle, après l’énumération détaillée des sensations diverses qui s’ajoutent les unes aux autres, le trait final, l’image qui couronne le tableau : cette Déméter rustique, qui se dresse souriante, avec des gerbes et des pavots dans les deux mains.

Mais c’est surtout peut-être dans les parties lyriques des idylles que se montre le mieux la qualité suprême de la phrase de Théocrite, le rythme haletant, pour ainsi dire, qui est sa marque propre, et qui révèle le poète ne pour traduire l’amour. Sa phrase est une musique admi-

  1. Idylle VII, 5-9.
  2. Idylle VIII, 53-56.