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PHILÉTAS

l’apparition du pur esprit alexandrin dans les œuvres de Philétas et de son groupe ; 2o ensuite, la veine réaliste qui se montre dans les mimes d’Hérodas, dans les vers de Sotadès et de Timon de Phlionte, dans les œuvres de Ménippe et de Rhinton ; 3o la fusion exquise de ces deux tendances dans les idylles de Théocrite, dans quelques épigrammes de Léonidas de Tarente ; 4o le triomphe de la littérature académique dans les poèmes variés de Callimaque, dans l’épopée didactique d’Aratos, dans l’épopée héroïque d’Apollonios de Rhodes ; 5o l’excès du bel esprit poussé jusqu’à la bizarrerie chez un Lycophron[1] ; 6o enfin, chez les poètes plus récents, chez les « épigones » de ces initiateurs, la continuation des tentatives diverses inaugurées par les maîtres des deux premières générations.

I

Philétas, fils de Télèphe, naquit à Cos, vers 340. Il était grammairien en même temps que poète. Sa réputation le fit choisir par Ptolémée Soter (vers 293) comme précepteur de son fils[2]. Philétas se rendit en

  1. Je mentionne simplement ici, sans y insister davantage, une autre forme de bizarrerie qui n’a plus rien de commun avec la littérature, l’invention de ces poèmes « figurés » (ἐσχηματισμένα) qui reproduisent, par la disposition de leurs vers d’inégale longueur, le dessin d’un œuf, d’une syrinx, ou d’une amphore. Ce sont là des gageures plus que des œuvres d’art. L’œuf de Simmias, la syrinx de Théocrite sont des échantillons de ce genre. On voit que même des gens d’esprit, à cette date, pouvaient trouver quelque amusement à ce jeu. Mais il ne faudrait pas le prendre plus au sérieux qu’il ne convient.
  2. Suidas, v. Φιλητᾶς. Cf. Couat, Poésie alexandrine, p. 69 et suiv. ; Susemihl, I, p. 174 et suiv.Fragm. dans N. Bach, Philelae Coi, Hermesianactis Coloph. atque Phanoclis relig., Halle, 1829. Cf. aussi Anthol. Jacobs, t. I, p. 121 et suiv.