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HÉCATÉE D’ABDÈRE

Le romanesque conscient et volontaire (très différent du romanesque inconscient des logographes et d’Hérodote) avait fait sa première apparition dans la prose grecque avec la Cyropédie de Xénophon. La conception de l’Atlantide, dans le Timée et dans le Critias de Platon, était un produit du même genre d’inspiration, et Théopompe, dans son Histoire Philippique, avait parfois mêlé aussi (d’une manière assez étrange) la fiction romanesque à l’histoire[1] ; mais ni Platon ni Théopompe n’avaient, en somme, donné de pendant a la Cyropédie. Dans la période alexandrine, cette forme d’art reparaît avec les ouvrages d’Hécatée d’Abdère, d’Évhémère de Messine et de quelques autres écrivains moins connus.


Hécatée, d’Abdère ou de Téos, était un contemporain de Ptolémée, fils de Lagos, roi d’Égypte : il accompagna ce prince dans son expédition de Syrie et vécut peut-être à sa cour. Il avait suivi l’enseignement de Pyrrhon[2]. C’est tout ce qu’on sait de sa vie[3]. Les anciens lisaient sous son nom un ou deux écrits apocryphes sur les Juifs[4], et deux ouvrages authentiques qui avaient fait sa célébrité : l’un Sur les Hyperboréens, l’autre intitulé Αἰγυπτιαϰά[5]. Il ne nous en reste que peu de fragments textuels, mais le caractère en est facilement reconnaissable. Dans son ouvrage sur les Hyperboréens, il mettait en œuvre une légende grecque déjà mentionnée par Pindare et qui faisait de ce peuple imaginaire un

  1. Théopompe, fragm. 76. Cf. plus haut, t. IV, p. 661 ; E. Rohde, p. 204.
  2. Diog. L., IX, 69.
  3. Notice et fragments dans C. Müller (Didot), Fragm. Hist. græc., t. II, p. 385-396. Cf. Rohde, p. 208-217.
  4. Cf. C. Müller, p. 385.
  5. Ou peut-être, selon Diogène Laërce (I, 10), Περὶ τῆς τῶν Αἰγυπτίων φιλοσοφίας.