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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

putation de savant le fit choisir par Ptolémée Épiphane comme bibliothécaire, quand la place devint vacante par la mort d’Apollonios. Aristophane avait soixante-deux ans. Le roi Eumène de Pergame voulut l’attirer chez lui. Ptolémée, pour garder son bibliothécaire, le fit emprisonner et ne lui rendit la liberté qu’après avoir pris ses garanties. Ainsi disputé par deux rois, le glorieux bibliothécaire vécut encore une quinzaine d’années. — Cette grande réputation était fondée sur des travaux exclusivement philologiques[1]. Aristophane de Byzance fut grammairien, lexicographe, bibliographe, éditeur de textes, et il le fut avec une supériorité de méthode et de savoir qui le met au premier rang[2]. En grammaire, il est le fondateur de la théorie de l’analogie, c’est-à-dire de la régularité rationnelle, par laquelle il essayait d’expliquer la déclinaison grecque[3] : c’était une tentative pour faire pénétrer un peu de lumière dans le chaos de l’usage ; tentative évidemment prématurée et souvent fautive, mais qui dénote une force d’esprit remarquable. C’est lui aussi qui avait rendu plus général et plus régulier l’emploi des signes d’accentuation[4]. En lexicographie, il avait accumulé d’immenses recherches sur le sens précis des mots dans les divers dialectes (Ἀττιϰαὶ λέξεις, Λαϰωνιϰαὶ γλῶσσαι), sur les proverbes (Περὶ παροιμιῶν, en 6 livres), sur certains passages obscurs des poètes[5], et même, chose plus délicate et

    comble de la réputation, fût-il le maître d’un tout jeune enfant ? — Athénée lui donna aussi pour maître le poète comique Machon (VI, 241, F, et XIV, 664, A).

  1. Sauf peut-être un poème intitulé Φαινόμενα.
  2. Willmowitz-Moellendorff, Isyllos von Epidauros, p. 11 (dans les Philol. Untersuch., IX, Berlin, 1886), l’appelle « le plus grand grammairien de l’antiquité ».
  3. Varron, De ling. lat., X, 68.
  4. Cf. Lentz, Herodiani relliq., I, préface, p. XXXVII.
  5. Par exemple, dans un traité Περὶ τῆς « ἀχνυμένης σϰυτάλης », où il expliquait ce mot célèbre d’Archiloque.