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CHAPITRE III. — RHÉTORIQUE, HISTOIRE, ETC.

que nous en pouvons juger aujourd’hui à travers les citations des critiques, il semble que son défaut principal fut d’avoir trop souvent prononcé des jugements arbitraires, fondés sur son goût personnel plus que sur une intelligence assez historique et assez profonde de cette poésie déjà si lointaine[1]. Mais c’était là un inconvénient inévitable à cette date, et même, s’il faut l’avouer, un défaut auquel ses plus célèbres successeurs sont loin d’avoir toujours échappé. D’ailleurs le problème que se posèrent les éditeurs alexandrins était probablement insoluble. Leur prétention était de retrouver le texte authentique d’Homère. Le problème serait difficile, mais non insoluble, s’il était vrai qu’il eût jamais existé un texte authentique d’Homère. Mais si ce texte n’a pas existé, à quoi pouvaient aboutir les efforts des chercheurs les plus savants ? Le malicieux Timon, l’auteur des Silles, un jour qu’on lui demandait quelle édition d’Homère il fallait lire, répondit que le mieux était de tâcher de trouver un vieux texte qui n’eût pas encore subi les retouches des « diorthotes »[2]. Il avait peut-être raison.

Callimaque d’Éphèse, qui paraît avoir été le successeur de Zénodote, est surtout célèbre comme poète. Nous le retrouverons à ce titre au chapitre suivant. Bornons-nous à dire ici que son rôle, comme bibliothécaire, fut considérable[3]. Il avait rédigé (ou fait rédiger sous ses yeux par des collaborateurs) une immense publication en 120 livres, intitulée ; Tableaux des écrivains illustres et de leurs œuvres (Πίναϰες τῶ ἐν πάσῃ

  1. Cf. Römer, Ueber die Homerrecension des Zenodot, Munich, 1885 (dans les Abhandlungen de l’Acad. bavaroise, t. XVII, p. 639-722).
  2. Diogène L., IX, 113.
  3. Notice de Suidas. Cf. Egger, Callimaque bibliographe (dans l’Annuaire des Études grecques, 1876). V. aussi Susemihl, I, p. 337-340.