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CHAP. VIII. — LA FIN DE L’HELLÉNISME


quelle chaque substance procède d’une substance supérieure sans lui rien enlever, et se communique à son tour à une substance inferieure sans rien perdre d’elle-même. Par cette immense échelle, la pensée monte à Dieu comme la vie en descend. Tous ces êtres se divisent en triades suivant une loi invariable ; et ces triades se succèdent, du haut en bas, en une série infinie, dont la régularité même atteste la subtilité puissante du dialecticien qui l’a conçue. Comme Platon et comme Plotin, Proclos affirme la providence divine et aussi la liberté humaine ; mais, pour concilier ces croyances, il a des solutions bien plus étudiées que les leurs. L’objet propre de la volonté éclairée d’en haut, c’est, pour lui comme pour ses devanciers, d’élever l’âme jusqu’au monde suprasensible ; mais la méthode pour s’élever ainsi est plus nettement arrêtée et définie chez lui que chez eux ; elle consiste dans l’étude, dans la méditation, dans l’exercice de la vertu, dans la prière, dans les pratiques variées de la dévotion.

Cette philosophie était trop abstraite pour pouvoir atteindre à la beauté vivante. Le mérite littéraire de Proclos est donc médiocre. Visionnaire et dialecticien à la fois, il énonce, avec une précision de mathématicien, des idées qui ne sont que des chiffres ou des signes algébriques sans couleur et sans vie. Les formules s’agencent, se coordonnent, se subdivisent, sans que nous puissions réellement nous y intéresser, puisqu’elles ne sont rien que des créations arbitraires de l’esprit. Effort prodigieux, qui donne l’impression d’un labeur stérile. Il n’y a rien là qui instruise vraiment, rien qui parle ni au cœur ni à l’imagination. C’est une mathématique obscure, et, ce qui est pire, c’est une mathématique bâtie sur le vide.

Proclos, comme l’a dit Zeller, est vraiment un scolastique. Tout son génie s’est appliqué à interpréter des